lundi 16 mars 2009

1ère Séquence 2. Le roman

Séquence 2. La femme dans Nana de Zola


1865, La Confession de Claude: 1er roman de Zola; aborde la question de la courtisane et insiste sur l'impossiblité pour elle d'échapper à sa souillure # récits en vogue sur la réhabilitation de la femme déchue (Marion Delorme, La Dame aux Camélias) et la joyeuse vie des cabarets (La Vie de Bohème). Qq scènes convenues: chambre d'une courtisane, toilette de la fille, bal aux barrières, souper galant. But: montrer que la déchéance est indissociable d'une vie de misère (morale) qu'imprime le milieu des courtisanes, et que les jh qui s'y attachent s'illusionnent sur leur rêves de rédemption (attrait maléfique de la femme & hantise de la souillure et de la chute propres à Zola)




Evaluation de lecture



NOM et classe:

  1. Dans ce roman, pénètre-t-on dans la vie privée de Nana? Justifier par des références précises

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  1. Y-a-t-il des tournants dans la vie de Nana? Justifier par des références précises

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  1. Nom du personnage suivi et chapitres où il apparaît:

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  1. Quelle est la fonction du personnage dans l'action du roman? En quoi est-il nécessaire?

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*tableau de la présence physique des personnages (chaque sommaire donnant lieu à une scène ds ce roman, sauf le chap 13)

Présence phys de

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

Total

Nana

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X


X

X

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X

X

X

X

X

X

X


Les hommes « distingués »
















Comte Muffat

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X

X


X

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X

X

X


Steiner, banquier

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X

X


X

X




X

X

(X)

X


Fauchery, chroniqueur

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X

X

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X


X

X

(X)

X


Daguenet

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X


X

X



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X

X


X


Hector de la Faloise

X


X



X





X

X

(X)



Mignon

X








X


X


X

X


Les copines:
















La Tricon, entremetteuse

X

X









X





Clarisse Besnus

X



X

X




X


X



X


Rose Mignon

X



X

X

X



X


X


(X)

X


Lucy Stewart

X



X


X


X



X


(X)

X


Gaga

X



X


X





X



X


Caroline Hécquet

X



X


X





X


(X)

X


Léa de Horn




X







X



X


Tatan Néné




X


X




X

X



X


Maria Blond




X


X


X


X

X


(X)

X


Simonne Cabiroche

X



X

X




X


X



X


Louise Violaine




X






X

X



X


Blanche de Sivry

X



X







X





Satin, plus prostituée qu'actrice

X




X



X


X


X

X



Madame Robert, Laura Piedefer débauchées








X


X






Et les compères:
















Labordette, + ou – leur proxénète

X

X


X




X

X

X

X


X

X


Bordenave, régisseur de Nana

X



X

X




X


X



X


Prullière, acteur

X



X

X



X

X





X


Fontan, acteur

X



X

X


X

X

X





X


Bosc, acteur




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X



X

X







Le personnel de théâtre
















Barillot, garçon de théâtre. Mathilde, idem





X




X







Cossard, souffleur









X







Mme Bron, concierge





X

X



X







Mme Jules, habilleuse





X











Les intimes de Nana
















Francis, coiffeur de Nana


X






X


X



(X)



Zoé


X




X

X

X


X


X

X



Louiset, fils de Nana






X


X


X

X


(X)



Julien & François, serviteurs










X

X


X



Victorine et Charles, idem













X



Mme Lerat, tante de Nana


X




X


X


X



(X)



Mme Maloir, amie de Nana, vieille








X


X



(X)



Docteur Boutarel












X




Le clan des Muffat
















Sabine de Muffat

X


X



X





X

X

(X)



Marquis de Chouard, Père de Sabine

X

X

X


X

X


X



X


X



Xavier de Vandeuvres, ami des Muffat

X


X

X


X




X

X





Foucarmont, idem



X

X








X

(X)



Georges Hugon

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X


X


X




X

X

X

X



Mme Hugon, sa mère


X




X






X

X



Philippe Hugon, son frère










X

X

X

X



Estelle de Muffat, fille des Muffat



X








X

X




Léonide de Chezelles, jeune amie de Sabine de Muffat



X









X




Mme du Joncquoy, vieille amie



X









X




Mme Chantereau (à vérif), vieille amie






X






X




Théophile Venot, « confesseur » de Sabine



X









X

X





















Séance 1. Le portrait de Nana p47 de « On frappait les trois coups ... » à « Nana souriait toujours, mais d'un sourire aigu de mangeuse d'hommes »

Comparaison avec le portrait de Manet « Nana »



Nana de Zola

Nana de Manet

relever les indices qui identifient le thème

Un théâtre, une actrice qui joue nue le rôle de Vénus, insistance sur cette nudité plus que sur son talent: représente le type de la jolie fille engagée pour son corps, qui utilise son pouvoir sur les hommes pour se nourrir.

Thème pris dans la réalité sociale.

Titre de l'œuvre: référence explicite à Zola, transposition. Une jeune femme se poudre devant un miroir, mais peu vêtue et en présence d'un homme habillé plus âgé: une fille entretenue, réalité crue de la prostitution.

Ni vêtue, ni nue (le nu a ses lettres de noblesse en peinture): les sous-vêtements sont plus érotiques que la nudité complète: le pied de l'homme semble prêt à soulever le jupon.

Composition

En trois étapes:

- description du décor du spectacle (l'Etna, un volcan)

- le corps de Nana (épaules, gorge, hanches, cuisses, cheveux, aisselles)

- le silence du public.

Au premier plan centré: Nana, profil gauche, houppette dans la main droite, corset et jupon, bracelet en or au bras gauche, boucle d'oreille ronde brillante, face à un miroir rond.

En arrière plan: peinture murale à fond bleu et motifs japonisants

Portrait physique

Insistance sur la rondeur, les membres charnues et rebondies. Nana est blonde.

Insistance sur l'absence de pudeur, la présence dominante. Nana a un pouvoir sur le public.

Joues, épaules et hanches rondes. Blonde. Même rondeur dans les courbes des meubles. Plante son regard dans celui du spectateur (assurance,effronterie, provocation).

Présence beaucoup plus forte que l'homme (centrée, debout, et couleurs claires, homme en noir, assis, coupé)

Regard des autres

Portrait introduit en cours de spectacle: nous découvrons Nana en même temps que le public dans la salle, Nana exposée à des centaines de regards.

Effet de l'apparition de Nana sur le public, en particulier masculin (attitude de prédateur: "nez aminci, bouche irritée et sans salive).

Hypocrisie du public: assiste à un spectacle, mais vient en réalité assouvir un fantasme à travers le corps exposé de Nana: sorte de voyeurisme collectif. Dominante, Nana marchandise exposée peut devenir un jouet des hommes à son tour.

Miroir: objet où l'on se regarde. Nana exposée au regard de l'homme, à moitié hors champ qui se confond avec le décor (costume noir sur canapé marron foncé), discrétion du voyeur ? Nana entre deux reflets de son image, en sandwich entre le miroir à gauche et le regard du client à droite, regard du propriétaire à hauteur de la croupe de Nana. Les regards et le miroir structurent le tableau.

Le regard de Nana peut aussi signifier: je vous ai vus, vous me regardez, vous êtes des voyeurs.

Couleurs

Insistance sur le brillant, clinquant, du décor: argent, éclat des écus neufs, forge de Vulcain…

Contraste avec la "blancheur d'écume", la "gaze" qui habille Nana, sa blondeur , ses poils d'or.

La "femme" dans la "bonne enfant": blancheur de l'innocence sous laquelle pointe la débauche future.

Peu de couleurs:

Noir/marron des meubles, du miroir, du sol, du costume masculin.

Bleu clair de la tenture, du corset.

Blondeur de la chair, des cheveux, qui va jusqu'au blanc des bras, rappelé par la houppette et le jupon.

Contraste entre couleurs sombres (obscurité menaçante de la dépravation, du vice..) et des couleurs claires (blancheur, innocence, candeur).

Le jupon au centre éclate de blancheur mais met aussi en valeur le ventre et les hanches: le vice sous la candeur.

Traitement du sujet

A la fois réaliste et hyperbolique: détails triviaux, crus, mais impression finale que la salle toute entière est submergée d'érotisme.

Beaucoup de détails réalistes: précision du décor, des objets, un intérieur meublé. Détails vestimentaires (dessins sur les bas, volants au bas du jupon…).



Nana de Manet



Commentaire du portrait de Nana p47 de « On frappait les trois coups ... » à « Nana souriait toujours, mais d'un sourire aigu de mangeuse d'hommes »: par quels moyens Nana est-elle figurée comme une femme fatale?


Introduction: Femme fatale = « personnage type, souvent une femme très féminine et séductrice, sexuellement insatiable, qui utilise le pouvoir de la sexualité pour séduire et ensorceler les héros malchanceux » (d'après Wikipedia)

Situation du texte: déjà plusieurs apparition de Nana (p35-36 acte I; p41 acte II). Portrait en plusieurs tableaux.

Lieu: le théatre, qui réapparaîtra au chap 1, 5, 9


  1. Un portrait sous forme de spectacle

      1. plan du texte

l.1-9: le décor de théâtre (Vulcain) sous forme d'un rapide sommaire sur le début du 3ème acte

l.10-21: apparition de Nana costumée en Vénus: pause descriptive détaillée

l.21-29: réaction du public: on ne sait pas si on a repris l'action ici

==> portrait de l'héroïne en action, c-a-d en train de jouer au théâtre.


      1. Une pièce de théâtre

Monde du théâtre: ouvreuses / la claque / les 3 coups / « 2nde scène » (Acte III) / applaudissements

Travestissement de l'Antiquité: Offenbach, La Belle Hélène


      1. Le voyeurisme


Transition: l'auteur, au lieu de montrer l'artifice de la scène et de ce portrait (puisque l'actrice Nana n'est pas le personnage de Vénus) va au contraire accentuer l'identification de Nana et de son personnage.


  1. La comparaison Nana/Vénus

Ces 1ers portrait de Nana ne montrent pas qui elle est derrière le masque, c'est à dire derrière son personnage. Nana est identifiée à Vénus.

      1. Les procédés d'identification: métaphore

      2. La métaphore filée de la naissance de Vénus

Zola reprend l'image traditionnelle de la naissance de Vénus (Voir Botticelli)

  • naissance: « Vénus naissant des flots » (l.19), « dans la bonne enfant, la femme se dressait » (l.26)

  • nudité de la déesse « Nana était nue »

  • fertilité, sensualité « larges hanches » l.15,

  • chevelure: « n'ayant pour voile que ses cheveux » (l.19), « poils d'or » l.21, « blonde » l.16

  • vent (naissance sur la mer): « un vent semblait avoir passé très doux » (l.25)

      1. L'apothéose de Nana

apothéose = 1) conclusion brillante d'un événement, d'une réunion 2) dans l'Antiquité, déification d'un héros après sa mort 3) apogée, gloire, exaltation extrême. C'est le cas à la conclusion du portrait l.25-29

Utilisation du terme hyperbolique « la toute-puissance de sa chair » (l.12): Nana est assimilée à un dieu.


Transition: Nana est identifiée à Vénus, c'est-à-dire directement à la déesse latine de la sensualité, et non pas au personnage ridicule de Vénus dans la pièce de Bordenave. En effet, Bordenave n'a pas choisi Nana pour ses talents d'artiste, mais pour la sensualité de son corps: p25 « Est-ce qu'une femme a besoin de savoir jouer et chanter?Ah! Mon petit, tu es trop bête... Nana a autre chose, parbleu! Et quelque chose qui remplace tout. Je l'ai flairée, c'est joliment fort chez elle, ou je n'ai plus que le nez d'un imbécile... Tu verras, tu verras, elle n'a qu'à paraître, toute la salle tirera la langue ».


  1. L'omniprésence du corps

      1. Le lexique du corps:

      2. L'amplification

Mise en valeur du corps par

  • les ajouts systématiques de qualificatifs après les noms « épaules rondes », larges hanches », « blonde grasse » etc

  • le rythme de plus en plus ample des phrase lorsque l'on parle de son corps: à partir de la ligne 10: une phrase d'1/2 ligne > une phrase d'1/2 ligne > 1 phrase de 2 lignes > 1 phrase de 7 lignes > 1 phrase de 2 lignes > 1 phrase de 3 lignes (puis on revient à des phrases courtes pour décrire les spectateurs)

      1. Le silence paradoxal

On est dans une pièce de théâtre, pourtant ce n'est pas la parole de Nana qu'on met en scène (p24 Bordenave la traite de « seringue »). On assiste à une scène muette (« un vent semblait avoir passé » (l.24): l'actrice ne parle pas, sourit (au lieu d'un rire sonore). Et le public ne réagit pas par la parole (« il n'y eut pas d'applaudissements. Personne ne riait plus » (l.22))


Conclusion: Nana = femme fatale comme « mangeuse d'homme », grâce à l'identification à Vénus. Mais c'est son aspect très humain, très charnel qui frappe, plutôt que son aspect divin.

Séance 2. Rôle du narrateur. P.318 de « Cependant l'hôtel... » à « Dès lors, Nana eut réellement sa maison montée »

  1. Méthodologie: la dissertation



Sujets sur le roman:

  • Pensez vous que le roman puisse être un moyen de mieux connaitre les hommes et le monde ?

  • Il vous est sans doute arrivé de préférer au "héros" vertueux d'une œuvre littéraire ou cinématographique le personnage odieux dont il finit par triompher. Quelles sont, selon vous, les raisons qui expliquent l'attrait qu'exercent ces personnages odieux ?

  • Pensez-vous qu'un héros de roman doive être nécessairement un personnage capable d'accomplir des exploîts extraordinaires ?

  • Dans quelle mesure le personnage de roman donne-t-il au lecteur un accès privilégié à la connaissance du cœur humain ?

  • En quoi le roman et la nouvelle sont ils particulièrement efficaces pour dénoncer les injustices ?

    Analyse du sujet: Pensez-vous qu'un héros de roman doive être nécessairement un personnage capable d'accomplir des exploits extraordinaires ?

  1. Analyse du sujet

  2. Elaboration du plan

Classer les idées suivantes en parties:

  • la littérature aide à glorifier des exploits

  • le héros est-il un homme ou un (demi-)dieu?

  • Les exploits (des guerriers) sont la base de la littérature

  • le héros et les exploits sont pris en charge par la littérature épique. Et les autres registres?

  • Il y a des antihéros

  • On peut décrire des gens ordinaires

Trouver des exemples pour chacune (parmi les livres lus); ne pas oublier de les interpréter.

  1. Rédaction


  1. Comparaison avec Toulet

Paul-Jean Toulet, Mon amie Nane, 1905

Mon Amie Nane est un roman de Paul-Jean Toulet publié à Paris en 1905. Il trace le portrait doux-amer d'une demi-mondaine de la Belle époque.

Mon Amie Nane est un roman à la première personne empreint d'érotisme, d'humour et de mélancolie. Un narrateur y fait le récit de ses relations avec Nane (de nom de guerre Hannaïs Dunois), depuis leur rencontre jusqu'à leur séparation.

La figure centrale du roman est le miroir. Il existe deux versions de la rencontre, et deux versions de la séparation (la mort et le mariage, dans cet ordre). Le chapitre central, Nane-au-miroir, est double. Les personnages vont par couple : couple d'amies prostituées, la printanière Primavérile et la sombre Noctiluce, couple d'industriels (un qui l'entretient au début, l'autre qu'elle épouse à la fin), etc.

Nane dont les traits n'annoncent pas une vive intelligence, exerce sur le narrateur, rafiné, cultivé, intelligent, une vraie fascination. Souhaitant par-dessus tout n'être pas dupe, il la dissimule sous une scintillante ironie.


Le passage se situe au début du premier chapitre.

A cette époque mon amie Nane était presque une inconnue pour moi, bien loin de m'appartenir en propre. A vrai dire, et dans la suite même, je n'ai jamais recherché le monopole de sa tendresse. N'eût-ce pas été de l'égoïsme? Outre qu'il en faudrait avoir les moyens.

A cette époque donc, Nane passait pour être la propriété exclusive de Bélesbat, le Hautfournier. Cet industriel, qui crevait sous lui de chiffres et de plans les ingénieurs les plus endurcis; dont l'âme tout arithmétique aurait ramené aux quatre opérations la beauté, l'héroïsme, la haine même, ne dédaignait pas toujours d'acquérir des choses gracieuses, encore qu'inutiles. En fait Nane lui était d'aussi peu de produit qu'un buisson de roses, un hamac, une habanera; et l'on ignorera toujours pourquoi il conservait une employée aussi coûteuse. Peut-être que cette végétative idole, languissant sous l'écorce des soies et les pierres de ses colliers barbares, le consolait d'être lui-même aussi fiévreusement mal vêtu. Peut-être qu'il aimait à voir reluire dans ses yeux mordorés les reflets inestimables de l'or, et peut-être encore qu'il l'avait louée simplement comme une enseigne à sa richesse.

Au moins n'était-elle pas son principal souci, comme il le montra en partant brusquement un jour, sur son yacht la Méduse, visiter la Terre de Feu, dont il caressait le projet d'y aménager des colonies agricoles, les asiles de nuit lui en devant fournir les premiers colons. Ainsi Nane se trouva libre, quoique pour combien de temps elle ne savait avec exactitude.

Elle s'était montrée d'abord un peu chagrine qu'on ne l'emmenât point; car elle s'imaginait la Terre de Feu comme un pays très chaud, avec des lianes, des ananas au jus naturel, des papillons larges comme des paravents; et sans doute aussi quelque casino où l'on pourrait déployer des toilettes excentriques, devant des gens de couleurs diverses, en smoking: quelque chose comme les nègres du quartier latin.

Il fallut lui expliquer que ce district de l'Amérique, fertile surtout en glaçons, si des épaves de grande ville le pouvaient prendre de loin pour une Arcadie, n'était pas une villégiature favorable aux jeux de nos courtisanes. Elle se consola donc assez vite de rester seule maîtresse en son petit hôtel de la rue de Scytheris, et que Bélesbat n'y vînt plus gesticuler parmi ses tables fragiles ou blâmer de son âcre voix les lenteurs du service.

En vérité, ce qu'elle aimait le plus de lui, ce n'était pas sa présence.

* * * * *

Il n'entrait point dans les intentions de Nane de se montrer, en son veuvage, plus fidèle à Bélesbat qu'elle ne faisait d'ordinaire. Elle continua donc à le tromper, quoique avec moins de plaisir depuis qu'il était loin; et ce fut surtout avec Jacques d'Iscamps.

  1. Commentaire

Introduction: Beaucoup de scènes chez Nana de Zola. Ici, il s'agit d'un sommaire. Histoire de l'installation de Nana dans son propre hôtel particulier à Paris: « Cependant l'hôtel n'était pas meublé » (l.1) --> « Nana eut réellement sa maison montée » (l.26). Comment l'auteur décrit à travers son installation

  1. Le sommaire du destin croisé de deux maisons

  1. L'ultime meuble de la maison: un amant. Plan du texte: récit encadré (métaphore de la dévorayio l.13 « avaler d'une bouchée »

  • l.1 – 10: Nana

  • l.10-17: Vandeuvres

  • l.17-26: Retour à Nana

  1. Le portrait « en creux » d'un amant

Portrait en creux = par la négative

  1. L'opposition entre aristocratie déchue et bourgeoisie arriviste

  • Oppositions vieille noblesse / bourgeoisie arriviste: château, tour / hôtel, maison. Temps: « vieille tour (bâtie sous) Philippe Auguste » (l.16) / temps court « depuis 15 jours »(l.4). Noms: titre « Comte Xavier de Vandeuvre » (l.4) / simple surnom « Nana ». Physique: « fin sourire » (l.26) / « bouchée » (l.13)

  • Accentuée par l'utilisation des verbes: verbes au PS pour Nana (action, vie) / à l'imparfait pour Vandeuvres



  1. Les infidélités de Nana

  1. Un sommaire particulièrement court d'une infidélité de Nana. Alors qu'elle avait promis la fidélité pour cette installation dans cet hôtel. Phrases courtes, non développées. Complicité du narrateur? Idée de « liberté » x 2 l. 6 & 19. Note: de même Vandeuvres est infidèle à sa lignée.

  2. Champs lexicaux de l'argent.

  • précision

  • comptabilité

  • Factualité: emploi du temps Notion d'heure (l.25: 2 sens 1) son moment de gloire 2) son heure de passe)

  • utilitarisme: précision longue l.6-10

  1. Entremêlé avec le champ lexical des relations hommes-femmes particulièrement discret

    - périphrases

CCL: Nana est une gestionnaire de ses appartements autant que de ses relations amoureuses. A ce stade du roman, elle est donc une bourgeoise achevée. C'est la revanche enfin obtenue contre sa naissance modeste. Au chap XI, apothéose avec la course de chevaux.

Séance 3. La montée du théâtre par Muffat p169 de « Fauchery appelait le comte... » à « ...En haut, au quatrième, il étouffait ».

Situation: Chap 5. 2ème chapitres (sur 3) traitant du théâtre, ms cette fois-ci de l'intérieur, de l'autre côté de la scène (les loges et les décors). Arrivée du Prince de Galles dans la loge de Nana (mélange royauté / bouffonerie). La visite du théâtre correspond chez Muffat à la vision des tentations de l'enfer: sensualité des actrices et de Nana et culpabilité car c'est un milieu trop modeste, décrit ici misérablement. Il monte chacun des degrés de cet enfer, jusqu'à la loge de Nana

Pb: Est-ce l'objectivité du narrateur naturaliste ou la subjectivité du personnage tourmenté de Muffat qui guide la description dans ce passage ?

  1. Une description objective

    1. Les étages du théâtre

Progression du texte: 2ème puis 3ème étage, puis 4ème étage. Progression spatiale (lexique des parties d'une habitation: « corridor de droite » (l.3), « palier » (l.5). A chaque étage correspond une progression:

    1. L'attention naturaliste aux détails de la toilette

  • objets de toilette: « cuvette » (l.4), « eau savonneuse » (l.5)« pot de chambre » (l.29), « bouteilles d'eau de lavande » (l.23)

  • vêtements:

    1. Une atmosphère de désordre

  • Multitude de verbes de mouvements pour qualifier la « bousculade » (l.16), la « débandade » (l.22): « sortit » (l.3), « coulait » (l.5), « se referma violemment » (l.6, renforcé par l'adv). Adj très forts: « un « Nom de Dieu! » furieux » (l.3), « un lavage féroce » (l.25)

  • les phrases et propositions ne sont pas coordonnées, mais juxtaposées: multitude de phrases // multitude de visions.

Transition: le désordre de cette scène correspond au désordre intérieur de Muffat. Mais alors que les actrices se lavent, Muffat, lui, s'enfonce dans cette souillure que décrit le naturalisme, et qui représente le vice.



  1. L'interprétation de Muffat: une hallucination

    1. Une « vision »: le lexique du regard

  • focalisation interne sur Muffat (même si ce n'est pas le narrateur-personnage)

  • « « la dernière vision » (l.31) se rapproche du voc religieux; « un judas » (l.27) = petite ouverture dans une porte faite pour voir discrètement: Muffat = voyeur: désir renforcé par le complément du nom « la curiosité d'hasarder encore un regard » (l.27).

  • des couleurs de + en + inquiétantes: passage « du blanc et du rouge » (l.17): « blancheurs », « pâleurs » (l.11), « riz » (l.12: il sagit de fond de teint blanc) « fauve » (l.19), « flamboiement du gaz » (l.29)



    1. L'obsession des femmes

Les femmes ne sont pas individualisées (ce ne sont pas des actrices mais des « figurantes », sauf Mathilde décrite par le terme péjoratif de « petit torchon » (l.4)). Effet de groupe. Il ne s'agit que de femmes; opposition au groupe des 2 hommes formé avec Fauchery.

Images de + en + fortes, de – en – pudiques: 1er étage: qq femmes dont certaines « tiraient légèrement des rideaux, par décence » (l.15-16: légèrement veut-il dire « sans conviction »?) bien qu'une jf ait « relevé ses jupons » (l.13). 2ème étage: « vingt femmes entassées ». Puis chute 3ème étage où l'on insiste sur l'intimité crue, lexique du bas, du relâchement.: « un pot de chambre oublié, au milieu d'un désordre de jupes traînant par terre » (l.30)



    1. La fin annoncée de Muffat

  • « la bousculade de la fin » (v.16) // « C'était la fin » p172. « s'abandonna à la glisserie » l.20

  • Idée de l'enfer avec le désordre et la violence des gestes . Juron « Nom de Dieu » (Muffat fait partie d'une association catholique). « furieux » l.3, « violemment » l.6 « féroce » l.25. Paradoxalement, il monte les étages alors qu'il s'enfonce dans le désir charnel (renversement des valeurs)

Conclusion: alors que toute la scène est imprégnée par le désordre, par la « débandade »(l.22), Muffat semble progresser, étage par étage, dans la découverte du sexe féminin. Il est dit à la page suivante: « Il but dans une aspiration tout le sexe de la femme, qu'il ignorait encore » (p170). Bien loin de la conception de l'amour de son milieu aristocrate, il voit ici le sexe tel que le montre ce peuple d'actrices peu pudiques. C'est le renversement de ces conceptions que l'écrivain naturaliste a mis en scène ici; dès lors pour Muffat, son aventure avec Nana sera une longue déchéance.



Séance 4. l'article de Fauchery

Sujet: Vous traiterez au choix l'un des sujets suivants à partir de l'extrait de Nana p223-225 de « Un des plaisirs de Nana... » à « ...une jeune fille qui découvre sa puberté »

  1. Commentaire composé: vous ferez le commentaire de ce texte à partir des axes suivants:

        1. Le narcissisme de Nana

        2. Un roman dans le roman

  2. Ecriture d'invention: Vous réécrirez la chronique de Fauchery telle qu'elle pourrait être publiée dans le Figaro de cette époque.

  1. Dissertation: La poésie est-elle avant tout un jeu sur les mots et sur le langage?



  1. Commentaire composé: proposition de plan



Intro: Situation du texte = p211 à la fin de la partie de campagne, Nana « coucha avec Muffat ». Ici on reprend l'idée, l'intimité de Nana, mais en présentant leur relation comme stable. Mais ce n'est pas une relation, car tout est centré sur Nana. Les deux personnages sont plongés dans deux lectures différentes: celui du corps chez Nana, celui de l'article chez Muffat. Comment le portrait de Nana apparaît par cette double lecture?

  1. Le narcissisme de Nana

    1. Un portrait double

Plan du texte: il s'agit d'une scène intime, mais il n'y a presque pas d'action ni de dialogue, et la place principale est donnée à la description (de Nana) par:

  • l.1 – l.24: Nana admirant son corps

  • l.24 – l.55: compte-rendu de l'article sur Nana

  • l.56 – l.65: Retour sur Nana admirant son corps

    1. Vie publique / vie intime

  • scène intime: chambre à coucher, feu, armoire à glace.

  • Mais Nana accepte d'ouvrir cette intimité aux hommes: 1) à Muffat, son client 2) au coiffeur (ce que ne comprend pas Muffat, pour qui la nudité ne peut pas être publique 3) au journaliste (intrusion de la lecture de l'article qui parle lui aussi de Nana). Trois personnes interviennent par leur commentaire dans ce passage: a) le point de vue interne de Nana l.18-19 « Si ce Fauchery l'avait débinée, elle se vengerait » (DIL). b) le point de vue interne de Muffat (on parle de ses pensées intimes l.51-55) c) le point de vue de Fauchery à travers son article

    1. La fascination du corps

  • multiplication du voc du narcissisme: « passion » (l.5), « ravissement d'elle-même » (l.55), « plaisir » (l.1), « amour d'elle-même » (l.7); décrit comme un vice « curiosités vicieuses » (l.63). Seul meuble décrit = « l'armoire à glace » (l.2), symbole tradi du narcissisme.

  • Focalisation sur le corps: on progresse d'une vision générale du corps (« elle se voyait en pied » (l.2-3)) à des détails particuliers (« un petit signe brun » (l.57)). Erotisme (accumulation des petits mouvements dans des phrases courtes commençant par « Elle... »

Transition: Pas de conversation dans cette scène: Nana prononce quelques paroles isolées. En fait, les deux personnages sont perdus dans la lecture: Lecture du corps de Nana (par Nana dans le miroir) / lecture de l'âme de Nana (par Muffat dans l'article)


  1. Un roman dans le roman

    1. Un article sous forme de métaphore filée: « Mouche d'or »

    2. L'ambiguïté beauté / laideur

Opposition entre ces deux valeurs (présente dans les deux valeurs « mouche » (péjoratif) / « d'or » (mélioratif)

  • beauté vantée dans le portrait au miroir:

  • beauté vantée dans l'article:

  • laideur (morale) introduite par

    1. La révélation du sens de l'existence de Nana dans la société

  • on connaît son histoire (seul passage faisant allusion à son enfance. On le trouve sinon dans L'Assommoir.

  • Cet article permet à Zola de faire comprendre le rôle de Nana dans la société (et dans le roman, car Zola donne ici sans doute sa vision de l'âme de Nana)



Conclusion: Le portrait de Nana donné ici est d'abord celui d'une femme narcissique, d'une beauté ambigüe.



  1. Ecriture d'invention

  2. Dissertation:

Citer des ex littéraires. Citations très recommandées.



La poésie a souvent été associée à la musique pour ses rythmes. Certains soulignent l'importance de la musique des mots par rapport au sens des mots. Ainsi la poésie est définie comme un « genre littéraire très ancien aux formes variées, écrites aussi bien en vers qu’en prose et dans lequel l’importance dominante est accordée à la « forme », c’est à dire au signifiant. La poésie est un art du langage qui fait une utilisation maximale des ressources de la langue : le travail sur la forme démultiplie la puissance de la signification » selon Wikipedia. La poésie est-elle donc essentiellement un jeu sur le langage? La poésie privilégie-t-elle la forme sur le fond? Le mot « jeu » a deux définitions possibles: 1) un ensemble avec des règles (jeu d'échec) et des combinaisons et 2) une activité à dimension ludique, d'amusement. On verra d'abord comment fonctionne ce jeu selon la première définition (I); est-ce qu'on peut alors accepter la seconde définition ? (II) Il faut en fait arrêter de ne s'intéresser qu'à la forme et voir que la forme et le fond sont unis dans la poésie (III)


  1. La poésie est toujours une combinaison de mot très travaillée

      1. Les règles fixes sont un jeu. Ex: l'art poétique du « Petit traité sur le sonnet »

      2. Mais la poésie moderne s'en éloigne de plus en plus

      3. Il reste toujours un travail plus poussé que la prose concernant les rythmes, les associations de mots frappantes etc. Ainsi, on peut parler de la « poésie » d'un texte en prose s'il joue suffisamment sur les mots

  2. Mais la poésie n'est pas pour autant un amusement

      1. On peut écrire des poèmes sous forme de jeu: les poètes des salons de la préciosité (le sonnet à Calliste de Malherbe pastiché par ses contemporains), les « cadavres exquis » de la littérature surréaliste. Jacques Roubaud écrit un recueil Epsilon sous la forme d'un jeu de go.

      2. Ils révèlent alors la dimension de jeu de la vie: ex: les poèmes amoureux de Ronsard qui montrent les stratégies du jeu amoureux.

      3. Mais les poètes maudits nous rappellent que l'écriture d'un poème peut être une souffrance. De même la poésie engagée.

  3. En fait le fond est intimement associé à la forme dans la poésie

      1. La poésie propose des mots complexes pour qu'on puisse déchiffrer les réalités profonde: le jeu devient énigme

      2. Les mots imitent la réalité; la poésie nous porte. Ex: les assonnances ou les allitérations permettent d'imiter en même temps que la phrase une émotion appropriée



En guise de conclusion, si l'on peut dire que la poésie est un jeu sur les mots, il faut souligner que c'est un jeu sérieux et non pas forcément un amusement; c'est plutôt un jeu au sens d'une combinaison de mots, la meilleure possible, pour retranscrire les multiples dimensions de la réalité. Une citation du critique Gérard Genette, dans Mimologiques, peut nous éclairer là-dessus : « Le propre de la prose est de toujours tolérer plusieurs formes pour un seul sens ; celui du poème, inversement, de toujours proposer plusieurs sens sous une seule forme. »


Séance 5. Les goûts chics de Nana p338-339 « Nana causa avec les deux hommes... » à « ...Ah! Que Dieu nous conserve l'empereur le plus longtemps possible! »

De « Nana causa avec les deux hommes... » à « ...Ah! Que Dieu nous conserve l'empereur le plus longtemps possible! »



Situation: Chap 10 symbolise l'embourgeoisement de Nana qui a désormais une situation stable et un hôtel particulier.. Problématique: Quels sont les rapports de Nana envers la bourgeoisie dans ce passage?

  1. Un dîner mondain dans la bourgeoisie

      1. Les méandres d'une conversation

Plan du texte: conversation sur des livres, puis sur les débuts de la commune de Paris et enfin sur une réunion politique. S'achève sur une sentence de Nana assimilant le peuple à des ivrognes.

La conversation ne suit pas une logique: cf liens logiques peu rigoureux « alors » (l.1) « Puis, la conversation étant tombée sur » (l.12) « justement » (l.24)

2 orientations: 1) Nana, considérée comme une « maîtresse de maison » 2) le sujet = le peuple.

      1. Le rejet du peuple

Lexique péjoratif: « immonde » (l.7), « ne se lavaient jamais », « ordure » (l.20), « sale » (l.27), « pochard » (l.29), « ivrogne » (l.29). Caricature.

Lexique du rejet: « se révoltait » (l.5), « une répugnance indignée » (l.6) renforcé par « répugné » (l.29), « s'emporta contre » (l.16), « oubliant le respect » (l.23) « elle tapait sur » (l.24),

  1. L'ironie du narrateur face aux prétentions bourgeoises de Nana:

      1. La distance du narrateur

En fait il s'agit d'un long monologue de Nana face à « quatre hommes » dont les interventions ne sont pas signalées. Ces propos ne brillent pas par leur intelligence: assimilation du peuple à des ivrognes, espérances sur l'Empire (l.32) alors que Napoléon III va être destitué au chap 13

Discours indirect libre: on a l'impression que c'est Nana qui parle, mais la narration n'est pas interrompue, et le narrateur peut glisser des phrases où Nana est jugée: « Nana avait des opinions très arrêtées »: Nana a peut être dit en DD « Mes opinions sont claires »; mais au DIL, le choix du mot péjoratif « arrêtées » montre qu'elle est bornée.

      1. Un portrait ironique de Nana

Nana, toujours mauvaise actrice, se compose un rôle de maîtresse de maison: cette conversation « sérieuse » est artificielle, alors que juste auparavant, les participants se conduisaient comme des enfants

Présentée explicitement comme une parvenue « (1)oubliant le respect qu'elle venait d'exiger (...) elle tapait (2) sur les siens (3)avec des dégoûts et des peurs de femme arrivée : le narrateur prend parti ici et souligne: (2) le masochisme du peuple contre lui-même causé par (1) l'absence de mémoire, (3) et se traduisant par des aspects maladifs, pathologiques. Zola a l'habitude d'analyser le peuple, mais aussi le peuple qui se renie lui-même, c'est à dire les parvenus.



  1. Un manifeste du réalisme: la bourgeoisie se refuse de voir la réalité en face

      1. Le goût réaliste contre le goût bourgeois

« littérature immonde, dont la prétention était de rendre la nature; comme si l'on pouvait tout montrer! »: allusion au naturalisme critiqué pour son goût pour le sordide (« immonde »). Le pronom « tout montrer » marque la prétention à l'objectivité du naturalismeet la marque d'exclamation montre l'expressivité de son message

Par opposition, contre-modèle du roman mondain « des oeuvres tendres /et nobles,// des choses pour la faire rêver /et lui grandir l'âme »: rythmes binaires, lourds, ennuyeux, redondants (tendre = rêver; noble = grandir); présence du pronom personnel « la », « lui » donc subjectivité.

      1. Littérature et politique

Passage de la littérature (le roman lu) à la politique: idée que les 2 influencent l'homme par leurs idées. Allusion à la situation historique (débuts de révolte avant la défaite de 1870): le roman prend parti sur son époque.

Opposition République/Empire; Peuple / Bourgeoisie

      1. Nana analysée dans Nana

        « un roman qui faisait grand bruit, l'histoire d'une fille; et elle se révoltait, disait que tout cela était faux ». L'auteur prévoit le succès et la critique de son roman

Séance 6. La scène de la mort de Nana p474-475 « Une lumière vive éclaire brusquement le visage... » à « ... « à Berlin! » »

Séance 7. Evaluation de fin de séquence



Séance 7. Diderot, incipit de Jacques le Fataliste


Correction de l'évaluation n°2_ I. Lecture de corpus

1) Point commun = 3 récits encadrés qui se donnent comme des récits véridiques et non des fictions.

Texte de Marivaux (document A) :

Un narrateur prétend avoir trouvé un manuscrit au fond d’une armoire. Il explique dans quelles circonstances il aurait découvert le document et présente rapidement son auteur (une femme nommée Marianne). Dans le dernier §, le « je » désigne la jeune femme.

Texte de Bernardin (document C) :

Le texte s’ouvre par une longue description qui rend le lieu très vraisemblable. Un narrateur A intervient pour présenter un vieillard qui doit devenir le narrateur B à la demande de A. Le lecteur comprend que le récit est censé être la transcription du récit de vieillard et ne pas être une fiction.

Texte de Diderot (document B) :

Le texte de Diderot fonctionne de manière un peu différente. Comme dans les autres débuts de romans, on découvre un narrateur qui présente ses personnages (Jacques et son maître) lesquels seront sans doute narrateurs à leur tour. Comme dans les autres récits, le narrateur s’adresse à son lecteur et semble présenter un récit authentique.

Ce qui diffère cependant ici, c’est que les interventions du narrateur coupent les aventures des personnages et que de toute évidence le texte joue sur la notion de fiction. Aux lignes 39-40, on lit « qu’il est facile de faire des contes » ce qui situe finalement le texte en tant que fiction.

  1. Effet produit = effet de réel. Il s’agit pour les trois auteurs d’aborder le roman en faisant croire à l’authenticité de leurs romans ou en jouant de cette notion (chez Diderot).


Correction de l'évaluation n°2_ II. Dissertation


Commentaire du texte de Diderot

I) Une première page de roman

1. Des personnages classiques de romans (un maître et son valet)

2. Le récit d’un voyage

3. L’annonce d’un retour en arrière sur un autre récit, celui des amours de Jacques (récit enchâssé) ó structure romanesque complexe.

II) Une première page qui se joue du roman et en refuse les règles

1. Intervention de l’auteur et du lecteur

2. Refus des conventions romanesques pour amorcer un récit (le 1er §)

3. Refus des « ficelles » romanesques (l.34-40) + emploi du présent

III) Un nouveau pacte de lecture

1. Un texte qui en appelle à l’intelligence du lecteur (en le conviant à ne pas se laisser duper par les conventions d’un genre limité)

2. Un texte qui mêle de façon « diabolique » plusieurs niveaux de réalité (intervention de l’auteur qui se fait pendant que les personnages sont partis se coucher) et qui, curieusement rend l’ensemble du texte plus vraisemblable.

3. Connivence et humour qui créent un lien particulier entre le lecteur et l’auteur mais qui en même temps permet d’amorcer une réflexion sur un débat philosophique : celui du destin, de la « fatalité). En se plaçant en tant que démiurge (ou en refusant ce rôle), l’auteur renvoie à un questionnement sur notre propre liberté. De qui serions-nous les créatures ?


OBJET D’ETUDE : le roman et ses personnages


DOCUMENT A Marivaux, La Vie de Marianne (1734)

Première partie

Avertissement

Comme on pourrait soupçonner cette histoire-ci d'avoir été faite exprès pour amuser le public, je crois devoir avertir que je la tiens moi-même d'un ami qui l'a réellement trouvée, comme il le dit ci-après, et que je n'y ai point d'autre part que d'en avoir retouché quelques endroits trop confus et trop négligés. Ce qui est de vrai, c'est que si c'était une histoire simplement imaginée, il y a toute apparence qu'elle n'aurait pas la forme qu'elle a. Marianne n'y ferait ni de si longues ni de si fréquentes réflexions : il y aurait plus de faits, et moins de morale ; en un mot, on se serait conformé au goût général d'à présent, qui, dans un livre de ce genre, n'est pas favorable aux choses un peu réfléchies et raisonnées. On ne veut dans des aventures que les aventures mêmes, et Marianne, en écrivant les siennes, n'a point eu égard à cela. Elle ne s'est refusée aucune des réflexions qui lui sont venues sur les accidents de sa vie ; ses réflexions sont quelquefois courtes, quelquefois longues, suivant le goût qu'elle y a pris. Elle écrivait à une amie, qui, apparemment, aimait à penser : et d'ailleurs Marianne était retirée du monde, situation qui rend l'esprit sérieux et philosophe. Enfin, voilà son ouvrage tel qu'il est, à quelque correction de mots près. On en donne la première partie au public, pour voir ce qu'on en dira. Si elle plaît, le reste paraîtra successivement ; il est tout prêt.

Avant que de donner cette histoire au public, il faut lui apprendre comment je l'ai trouvée.

Il y a six mois que j'achetai une maison de campagne à quelques lieues de Rennes, qui, depuis trente ans, a passé successivement entre les mains de cinq ou six personnes. J'ai voulu faire changer quelque chose à la disposition du premier appartement, et dans une armoire pratiquée dans l'enfoncement d'un mur, on y a trouvé un manuscrit en plusieurs cahiers contenant l'histoire qu'on va lire, et le tout d'une écriture de femme. On me l'apporta ; je le lus avec deux de mes amis qui étaient chez moi, et qui depuis ce jour-là n'ont cessé de me dire qu'il fallait le faire imprimer : je le veux bien, d'autant plus que cette histoire n'intéresse personne. Nous voyons par la date que nous avons trouvée à la fin du manuscrit, qu'il y a quarante ans qu'il est écrit ; nous avons changé le nom de deux personnes dont il y est parlé, et qui sont mortes. Ce qui y est dit d'elles est pourtant très indifférent ; mais n'importe : il est toujours mieux de supprimer leurs noms.

Voilà tout ce que j'avais à dire : ce petit préambule m'a paru nécessaire, et je l'ai fait du mieux que j'ai pu, car je ne suis point auteur, et jamais on n'imprimera de moi que cette vingtaine de lignes-ci.

Passons maintenant à l'histoire. C'est une femme qui raconte sa vie ; nous ne savons qui elle était. C'est la Vie de Marianne ; c'est ainsi qu'elle se nomme elle-même au commencement de son histoire ; elle prend ensuite le titre de comtesse ; elle parle à une de ses amies dont le nom est en blanc, et puis c'est tout.

Quand je vous ai fait le récit de quelques accidents de ma vie, je ne m'attendais pas, ma chère amie, que vous me prieriez de vous la donner toute entière, et d'en faire un livre à imprimer. Il est vrai que l'histoire en est particulière, mais je la gâterai, si je l'écris ; car où voulez-vous que je prenne un style ?


DOCUMENT B Diderot, Jacques le Fataliste (écrit en 1765- publié en 1783)

Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut.


LE MAÎTRE : C'est un grand mot que cela.

JACQUES : Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d'un fusil avait son billet.

LE MAÎTRE : Et il avait raison...

Après une courte pause, Jacques s'écria : « Que le diable emporte le cabaretier et son cabaret !

LE MAÎTRE : Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n'est pas chrétien.

JACQUES : C'est que, tandis que je m'enivre de son mauvais vin, j'oublie de mener nos chevaux à l'abreuvoir. Mon père s'en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m'en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp devant Fontenoy ; de dépit je m'enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne.

LE MAÎTRE : Et tu reçois la balle à ton adresse.

JACQUES : Vous l'avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été amoureux de ma vie, ni boiteux.

LE MAÎTRE : Tu as donc été amoureux ?

JACQUES : Si je l'ai été !

LE MAÎTRE : Et cela par un coup de feu ?

JACQUES : Par un coup de feu.

LE MAÎTRE : Tu ne m'en as jamais dit un mot.

JACQUES : Je le crois bien.

LE MAÎTRE : Et pourquoi cela ?

JACQUES : C'est que cela ne pouvait être dit ni plus tôt ni plus tard.

LE MAÎTRE : Et le moment d'apprendre ces amours est-il venu ?

JACQUES : Qui le sait ?

LE MAÎTRE : A tout hasard, commence toujours... »


Jacques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-dîner : il faisait un temps lourd ; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs ; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et le pauvre diable disant à chaque coup : « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut... »

Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? d'y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ? Qu'il est facile de faire des contes ! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai.


DOCUMENT C Bernardin de Saint Pierre, Paul et Virginie (1787)


Sur le côté oriental de la montagne qui s'élève derrière le Port Louis de l'Île de France, on voit, dans un terrain jadis cultivé, les ruines de deux petites cabanes. Elles sont situées presque au milieu d'un bassin formé par de grands rochers, qui n'a qu'une seule ouverture tournée au nord. On aperçoit à gauche la montagne appelée le Morne de la Découverte, d'où l'on signale les vaisseaux qui abordent dans l'île, et au bas de cette montagne la ville nommée le Port Louis ; à droite, le chemin qui mène du Port Louis au quartier des Pamplemousses ; ensuite l'église de ce nom, qui s'élève avec ses avenues de bambous au milieu d'une grande plaine ; et plus loin une forêt qui s'étend jusqu'aux extrémités de l'île. On distingue devant soi, sur les bords de la mer, la Baie du Tombeau ; un peu sur la droite, le Cap Malheureux ; et au-delà, la pleine mer, où paraissent à fleur d'eau quelques îlots inhabités, entre autres le Coin de Mire, qui ressemble à un bastion au milieu des flots.

A l'entrée de ce bassin, d'où l'on découvre tant d'objets, les échos de la montagne répètent sans cesse le bruit des vents qui agitent les forêts voisines, et le fracas des vagues qui brisent au loin sur les récifs ; mais au pied même des cabanes on n'entend plus aucun bruit, et on ne voit autour de soi que de grands rochers escarpés comme des murailles. Des bouquets d'arbres croissent à leurs bases, dans leurs fentes, et jusque sur leurs cimes, où s'arrêtent les nuages. Les pluies que leurs pitons attirent peignent souvent les couleurs de l'arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent à leurs pieds les sources dont se forme la petite Rivière des Lataniers. Un grand silence règne dans leur enceinte, où tout est paisible, l'air, les eaux et la lumière. A peine l'écho y répète le murmure des palmistes qui croissent sur leurs plateaux élevés, et dont on voit les longues flèches toujours balancées par les vents. Un jour doux éclaire le fond de ce bassin, où le soleil ne luit qu'à midi ; mais dès l'aurore ses rayons en frappent le couronnement, dont les pics s'élevant au-dessus des ombres de la montagne, paraissent d'or et de pourpre sur l'azur des cieux.

J'aimais à me rendre dans ce lieu où l'on jouit à la fois d'une vue immense et d'une solitude profonde. Un jour que j'étais assis au pied de ces cabanes, et que j'en considérais les ruines, un homme déjà sur l'âge vint à passer aux environs. Il était, suivant la coutume des anciens habitants, en petite veste et en long caleçon. Il marchait nu-pieds, et s'appuyait sur un bâton de bois d'ébène. Ses cheveux étaient tout blancs, et sa physionomie noble et simple. Je le saluai avec respect. Il me rendit mon salut, et m'ayant considéré un moment, il s'approcha de moi, et vint se reposer sur le tertre où j'étais assis. Excité par cette marque de confiance, je lui adressai la parole : « Mon père, lui dis-je, pourriez-vous m'apprendre à qui ont appartenu ces deux cabanes ? » Il me répondit : « Mon fils, ces masures et ce terrain inculte étaient habités, il y a environ vingt ans, par deux familles qui y avaient trouvé le bonheur. Leur histoire est touchante : mais dans cette île, située sur la route des Indes, quel Européen peut s'intéresser au sort de quelques particuliers obscurs ? Qui voudrait même y vivre heureux, mais pauvre et ignoré ? Les hommes ne veulent connaître que l'histoire des grands et des rois, qui ne sert à personne. - Mon père, repris-je, il est aisé de juger à votre air et à votre discours que vous avez acquis une grande expérience. Si vous en avez le temps, racontez-moi, je vous prie, ce que vous savez des anciens habitants de ce désert, et croyez que l'homme même le plus dépravé par les préjugés du monde aime à entendre parler du bonheur que donnent la nature et la vertu. » Alors, comme quelqu'un qui cherche à se rappeler diverses circonstances, après avoir appuyé quelque temps ses mains sur son front, voici ce que ce vieillard me raconta.


I) Après avoir pris connaissance de l’ensemble des trois documents, vous répondrez d’abord aux questions suivantes (10 points) :

1) Quel est le point commun entre ces trois débuts de romans ? L’un des textes diffère dans sa manière de procéder. Lequel ?

2) Quels effets les auteurs ont-ils ainsi souhaité produire ?

II) Vous traiterez ensuite le sujet suivant sous forme de plan détaillé : titres, sous-titres, exemples (10 points) :

Sujet 2 :dissertation

Un roman doit-il chercher à faire oublier au lecteur que ses personnages sont fictifs ?
Vous fonderez votre réflexion sur les textes du corpus, sur ceux que vous avez étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.

14. Diderot, Jacques le Fataliste, 1783


Comment s'étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s'appelaient-ils ? Que vous importe ? D'où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l'on sait où l'on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas (5) était écrit là-haut.


LE MAÎTRE : C'est un grand mot que cela.

JACQUES : Mon capitaine ajoutait que chaque balle qui partait d'un fusil avait son billet.

LE MAÎTRE : Et il avait raison...

Après une courte pause, Jacques s'écria : « Que le diable emporte le cabaretier et son (10) cabaret !

LE MAÎTRE : Pourquoi donner au diable son prochain ? Cela n'est pas chrétien.

JACQUES : C'est que, tandis que je m'enivre de son mauvais vin, j'oublie de mener nos chevaux à l'abreuvoir. Mon père s'en aperçoit ; il se fâche. Je hoche de la tête ; il prend un bâton et m'en frotte un peu durement les épaules. Un régiment passait pour aller au camp (15) devant Fontenoy ; de dépit je m'enrôle. Nous arrivons ; la bataille se donne.

LE MAÎTRE : Et tu reçois la balle à ton adresse.

JACQUES : Vous l'avez deviné ; un coup de feu au genou ; et Dieu sait les bonnes et mauvaises aventures amenées par ce coup de feu. Elles se tiennent ni plus ni moins que les chaînons d'une gourmette. Sans ce coup de feu, par exemple, je crois que je n'aurais été (20) amoureux de ma vie, ni boiteux.

LE MAÎTRE : Tu as donc été amoureux ?

JACQUES : Si je l'ai été !

LE MAÎTRE : Et cela par un coup de feu ?

JACQUES : Par un coup de feu.

(25) LE MAÎTRE : Tu ne m'en as jamais dit un mot.

JACQUES : Je le crois bien.

LE MAÎTRE : Et pourquoi cela ?

JACQUES : C'est que cela ne pouvait être dit ni plus tôt ni plus tard.

LE MAÎTRE : Et le moment d'apprendre ces amours est-il venu ?

(30) JACQUES : Qui le sait ?

LE MAÎTRE : A tout hasard, commence toujours... »


Jacques commença l'histoire de ses amours. C'était l'après-dîner : il faisait un temps lourd ; son maître s'endormit. La nuit les surprit au milieu des champs ; les voilà fourvoyés. Voilà le maître dans une colère terrible et tombant à grands coups de fouet sur son valet, et (35) le pauvre diable disant à chaque coup : « Celui-là était apparemment encore écrit là-haut... »

Vous voyez, lecteur, que je suis en beau chemin, et qu'il ne tiendrait qu'à moi de vous faire attendre un an, deux ans, trois ans, le récit des amours de Jacques, en le séparant de son maître et en leur faisant courir à chacun tous les hasards qu'il me plairait. Qu'est-ce qui m'empêcherait de marier le maître et de le faire cocu ? d'embarquer Jacques pour les îles ? (40) d'y conduire son maître ? de les ramener tous les deux en France sur le même vaisseau ? Qu'il est facile de faire des contes ! Mais ils en seront quittes l'un et l'autre pour une mauvaise nuit, et vous pour ce délai.



Diderot, Jacques le Fataliste (écrit en 1765- publié en 1783)


La fonction de la littérature (roman, poésie, théâtre, essai…)

vous paraît-elle essentiellement de distraire ou d’éduquer ?

Vous prendrez appui sur les textes 3 et 4, mais aussi sur d’autres œuvres littéraires que vous avez lues.


Le terme « littérature » invite à considérer les œuvres écrites ou orales tant du point de vue de leur forme esthétique que du point de vue de leur fond idéologique et culturel. Allier plaisir de la lecture et information : voilà qui devrait permettre de considérer sa lecture comme fondamentale. Pourtant, la littérature n’a pas que des défenseurs : Rousseau lui reprochait d’apprendre à parler de ce qu’on ne connaît pas, et il n’y a qu’à considérer les déboires des écrivains d’hier et d’aujourd’hui avec la censure pour s’en convaincre. Dès lors, faut-il la considérer essentiellement comme un moyen de distraire ou d’éduquer ? Pour le déterminer, il faudra définir tout d’abord les plaisirs qu’elle offre, avant de considérer quels peuvent être ses moyens d’action.


***********


En premier lieu, si l’on envisage la littérature comme une distraction, une source de plaisir pour le lecteur, il convient de s’intéresser à son pouvoir d’évasion. Le monde de l’écrit permet en effet de quitter un monde réel souvent décevant, au profit du monde de l’illusion. Tout en reconnaissant qu’il s’agit là d’une démission, d’une possibilité de fuir ses responsabilités quotidiennes, il faut bien admettre que ce besoin de rêver constitue une aspiration fondamentale de l’homme. Certaines oeuvres ont ainsi le pouvoir de nous transporter vers d’autres époques (ce qui fait, notamment, le succès persistant des romans de Christian Jacq, qui ont pour cadre l’Egypte antique, ou encore des tragédies de Racine, qui prennent leurs sources dans la mythologie grecque et romaine), voire celui de nous projeter vers un avenir que nous envisageons avec plus ou moins d’optimisme (c’est le cas des romans de science-fiction ou d’anticipation, qui touchent une grande partie du lectorat populaire). D’autres invitent le lecteur au voyage, pour reprendre ici le titre du poème de Baudelaire (« L’Invitation au voyage »), que ce soit de façon directe comme dans ce poème :


Mon enfant, ma sœur,

Songe à la douceur

D’aller là-bas vivre ensemble


ou de façon plus détournée, par la simple évocation d’un cadre exotique : c’est le cas, par exemple, du Supplément au voyage de Bougainville, dans lequel Diderot donne une vision plutôt positive de la civilisation des pays colonisés. D’autres œuvres, encore, font rêver le lecteur par l’évocation de milieux très différents de celui auquel il appartient : c’est le cas, entre autres, des Mystères de Paris d’Eugène Sue, grand succès de littérature en son temps, qui dépeint aussi bien les bas-fonds de Paris que les fastes de la cour d’Autriche. Enfin, la littérature offre la possibilité de se fuir soi-même, par un phénomène d’identification : le lecteur entre peu à peu dans la peau du personnage dont il lit ou voit les aventures. Le cas le plus flagrant est sans doute ici celui du roman ou des BD d’aventures (type Indiana Jones, ou Bob Morane) : le héros réunit en lui toutes les vertus auxquelles le lecteur doit aspirer.

La littérature, d’autre part, offre l’avantage indéniable de faire rencontrer d’autres hommes : pas des êtres de chair, certes, mais des personnages… dont la psychologie est parfois si complexe qu’ils n’ont rien à envier à ceux qui nous entourent. Bon nombre de lecteurs, toujours en vertu de ce même principe d’identification, éprouvent spontanément de la sympathie pour celui ou celle dont ils découvrent la vie et la personnalité : le Scapin de Molière entraîne l’adhésion du public par sa spontanéité et sons sens de l’humour, Cyrano séduit par sa verve et son intempérance, et Cosette semble, quant à elle, une pauvre petite bien réelle qu’on a envie de choyer et de défendre.

La littérature, enfin, peut offrir également un plaisir purement esthétique. C’est notamment le cas lorsqu’on se trouve face à un texte « beau et difficile » - pour reprendre une impression fréquemment ressentie par les élèves, dont on éprouve la beauté confusément, sans parvenir dans l’immédiat à en démonter les mécanismes. La célèbre tirade « du nez » dans Cyrano de Bergerac en fait partie, au même titre que certains poèmes d’Eluard ou d’Aragon… ou que certaines chansons de Brassens.




En somme, la littérature peut sans conteste être considérée comme une source de plaisir, comme un moyen de distraction. Mais cette séduction qu’elle exerce parfois sur le lecteur peut précisément entraîner une autre fonction, développée plus ou moins consciemment par les auteurs de tous temps : celle de l’éducation, de l’ « édification des fidèles », pour reprendre le mot de Voltaire.



Cette double fonction de la littérature était déjà au centre des préoccupations des auteurs classiques, qui avaient pour mot d’ordre de « plaire et instruire ». Aujourd’hui encore, on s’accorde généralement à reconnaître les mérites d’une œuvre littéraire lorsque celle-ci remplit la double mission de séduire et d’apporter une source de réflexion. D’un point de vue très terre-à-terre, sa première « utilité » est sans doute de développer les facultés d’expression, d’enrichir le vocabulaire du lecteur moyen : c’est en lisant que l’élève apprend à écrire, les deux pratiques sont indissociables… et c’est en lisant davantage que tout adulte acquiert, par un processus d’imitation, la faculté de s’exprimer plus aisément. Ce principe, communément admis par les pédagogues, n’est plus à démontrer.

Ce même processus d’imitation permet en outre – et c’est là une fonction plus subtile – de mieux se connaître. Les analyse psychologiques faites par un auteur peuvent nous permettre de nous éclairer sur nous-mêmes : le lecteur éprouve souvent une certaine satisfaction à voir traduit en mots ce qu’il a éprouvé confusément. L’essai de Tahar Ben Jelloun intitulé Le Racisme expliqué à ma fille a été ainsi largement diffusé dès sa publication, il y a quelques années. Le thème est porteur, tout le monde s’y est un jour trouvé confronté – pour en faire les frais, situation classique, mais aussi pour l’ « expérimenter » de façon plus ou moins consciente : qui peut se vanter de n’avoir jamais porté le moindre jugement sur son prochain, sur l’autre au sens large, considérée dans sa différence ? La force de tels ouvrages est précisément de ne laisser personne indemne, de conduire chacun à s’interroger, à se remettre en question. Comme le dit l’auteur, « on est toujours l’étranger de quelqu’un ».

La littérature peut, enfin, servir l’argumentation, de façon plus ou moins détournée, de l’essai (où les idées sont exprimées sans détours) à l’apologue (où elles sont implicites, masquées par une narration qui a fonction de divertissement), en passant par diverses formes. C’est sans doute ici sa principale fonction d’éducation… celle qui, précisément, a occasionné et occasionne toujours des condamnations, des tensions entre écrivains et détenteurs du pouvoir, garants de l’ordre public. Dès le Moyen Age, les auteurs et lecteurs de romans – c’est-à-dire, à l’époque, d’œuvres de fiction – étaient punis, ces ouvrages étant considérés comme impies. Molière, au XVIIème siècle, a vu plusieurs de ses pièces interdites parce qu’elles choquaient la morale – ce fut le cas, par exemple, de Dom Juan. Les philosophes des Lumières ont eu fort à faire pour faire évoluer les mentalités, et eurent recours à divers procédés pour déjouer l’impitoyable censure de l’époque, que ce soit en jouant la carte de l’exotisme et des faux témoins comme Montesquieu dans les Lettres Persanes, ou celle du conte philosophique comme Voltaire (Candide, Zadig, Micromégas…), etc… Dans des temps moins reculés, des écrivains ont aussi fait les frais de cette même censure de la part de régimes politiques dictatoriaux. Depuis 1990, date de parution des Versets sataniques, essai dans lequel il dénonce les excès du coran, l’écrivain iranien Salman Rushdie est ainsi condamné à mort dans son pays et exilé en Angleterre. Les exemples sont nombreux et variés, qui témoignent tous de ce pouvoir de la littérature – jusqu’aux chansons de Renaud qui, pour populaires et plaisantes qu’elles soient, sont souvent engagées (c’est ainsi le cas de « Manhattan-Kaboul », qui met en présence deux innocents victimes de la guerre Etats-Unis/Irak pour dénoncer par l’exemple la violence gratuite dans le monde).


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En fin de compte, la littérature remplit deux fonctions aussi importantes l’une que l’autre : art du langage, elle vise originellement à distraire, à provoquer chez le lecteur un plaisir, quelle que soit sa nature précise. Mais c’est précisément ce pouvoir de séduction qui en fait un instrument, un outil. Lorsque cette utilité est consciente, voulue par le lecteur qui lit dans un souci de profit, alors on peut parler d’une autre fonction essentielle de la littérature. Mais il peut arriver que le lecteur soit « éduqué malgré lui », qu’il se retrouve face à un message qu’il ne pensait peut-être pas trouver en lisant tel ou tel ouvrage, dont l’impact tient à ce même pouvoir de séduction que nous évoquions précédemment. Il apparaît donc que ces deux fonctions sont indissociables, l’une alimentant l’autre. Peut-on, dès lors, parler de « dangers », de « pièges » de la littérature ? Sans doute, si on voit en elle une tentatrice à laquelle on ne peut résister… mais il s’agit là de considérations qui sortent du cadre de notre débat.




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